Nos conseils
pour mieux vivre avec nos maladies
Les conseils de la diététicienne
Les anticoagulants et l’alimentation
Par la Diététicienne Mme Elisabeth Al Nasser Bordes de l’Hôpital BEAUJON de Clichy
1. Une alimentation équilibrée
2. Conseils alimentaires aux patients traités par anticoagulants
3. DANGER, en cas de jeûne, prévenir votre médecin
1 – Qu’est-ce qu’une alimentation équilibrée ?
C’est tout d’abord une alimentation qui va permettre à chacun de fonctionner du mieux possible. Elle comportera 3 repas par jour (n’en sauter aucun et éviter tout grignotage entre les repas). Elle comprendra les 3 éléments indispensables à l’organisme, les protides (protéines), les lipides (graisses), les glucides (sucres), les vitamines et les minéraux.
Où se trouvent les protéines ?
Dans les viandes, les œufs, les abats, les volailles, le lait et les produits laitiers et les fromages.
Où se trouvent les glucides ?
Dans le pain, les biscottes, la farine, les pommes de terre, les fruits, les pâtes, le riz et les légumes secs.
Où se trouvent les lipides ?
Dans l’huile, le beurre, la margarine, la crème fraîche mais également dans les viandes, les poissons, les fromages… sous forme de graisses cachées.
En pratique, manger équilibré c’est faire :
Un petit déjeuner avec :
– Pain
– Beurre
– Confiture
– Lait, produits laitiers ou fromages
– Boissons
– Et éventuellement fruits ou jus de fruit
Un déjeuner et un dîner avec :
– Une entrée de légumes crus ou cuits ou potage
– De la viande, du poisson ou des œufs
– Des légumes cuits (en fonction des conseils donnés et liés à votre prise d’anticoagulant) à l’un des 2 repas Des féculents à l’autre repas (pâtes, riz, pommes de terre…)
– Une portion de fromage ou de produit laitier
– Un fruit
– Du pain
– UN PEU de graisse (beurre ou huile)
– Sans oublier L’INDISPENSABLE : l’eau
Si possible manger dans le calme et n’oubliez pas de vous faire PLAISIR
2 – Conseils alimentaires aux patients traités par anticoagulants
Conservez vos habitudes alimentaires sans augmenter ni supprimer les légumes ou autres aliments riches en vitamine K, y compris lors de vos déplacements en France ou à l’étranger. Veuillez ne pas consommer plus d’une portion (au choix) par jour des aliments suivants riches en vitamine K :
– chou rouge, chou frisé, chou de Bruxelles, brocoli, choucroute ;
– épinard, salades ;
– le persil, le cerfeuil et l’oseille sont à consommer (en assaisonnement par exemple) ;
– thé vert et menthe
L’alcool consommé en excès et de façon prolongée peut altérer la synthèse des facteurs de coagulation.
Pour ceux qui en consomment : se limiter à un verre de vin par repas et à 1 à 2 apéritifs par semaine.
Une complémentation en vitamine E peut également altérer la synthèse des facteurs de coagulation.
3 – Attention DANGER en cas de jeûne
En cas de jeûne, en parler immédiatement à votre médecin car celui ci peut avoir des conséquences graves sur votre santé, en occasionnant un déséquilibre de l’anticoagulation.
Les conseils du kiné
Douleurs, fatigues, le point de vue du Kiné
Dans nos maladies, la fatigue, les douleurs abdominales, les crampes sont souvent présentes.
Que peut-on faire ?
Le point de vue de Frédéric LUZEAU Kiné Ostéopathe
AMVF : Bonjour Mr Frédéric LUZEAU, pensez-vous que des séances de kiné puissent aider les malades atteints du syndrome de Budd-Chiari à retrouver leur apparence physique d’avant plus rapidement (prise de poids très importante (20 Kg) due à la présence d’ascite et des périodes alitées) ?
Mr Frédéric LUZAU Avant de répondre aux questions, je vais tenter de présenter simplement le concept ostéopathique.
Une structure engendre une fonction. Une déstructuration engendre une dysfonction. Cela veut dire qu’une structure en lésion (une articulation, un viscère, le foie, une artère obstruée) engendrera une dysfonction.
Une dysfonction est la résultante d’une lésion qui possède la possibilité d’être :
— Réversible = A (foie congestionné, viscère bloqué)
— Irréversible = B (arthrose, séquelle de fracture).
Les lésions A et B vont par des relations mécaniques (une cheville sur un bassin, un gros foie sur des attaches) neurologiques (un foie congestionné « envoyant » sur la colonne vertébrale, un lieu du dos qui lui est attaché, une douleur dite projetée) et vasculaires (un bassin « bloqué » pourra entretenir une tendinite à la cheville) entraînent une suite lésionnelle.
En conclusion, tout agit sur tout. Tout est lié et le corps va compenser, s’adapter aux lésions comme il peut jusqu’à ce qu’il ne puisse plus : alors, il parle et cela s’exprime par la douleur.
Sur l’aide aux patients atteints du syndrome de Budd-Chiari et si le corps le permet, et en respectant l’alternance Travail/Repos de toute activité physique, bouger au sens large du terme ne peut être que bénéfique pour retrouver un équilibre.
La notion importante est celle du métabolisme, le corps a besoin d’éliminer ses déchets (ascite, médicaments). Pour cela, il faut faire travailler les émonctoires (système naturel qui permet d’éliminer les déchets) :
— Poumons -> acide léger par ventilation : activité CARDIO RESPIRATOIRE
— Reins -> acide lourd : BOIRE
— Une assistance en complément nutritionnel est, à mon avis, conseillée pour cela.
CONCLUSION : Bouger à l’écoute de son corps peut :
— Lui redonner un équilibre (bien dans son corps, bien dans sa tête),
— L’aider à éliminer ses déchets.
AMVF L’exercice physique raisonné peut-il aider à soigner plus rapidement ce type de pathologie ?
Mr Frédéric LUZAU Je ne peux pas me prononcer sur la maladie car je ne sais pas si elle laisse des lésions irréversibles ou pas sur le corps humain. Toujours est-il que le foie est un organe qui passe son temps à trier ce que l’organisme reçoit de l’extérieur (alimentation, médicaments, cigarettes, alcool, pollution atmosphérique…). Le meilleur moyen pour l’aider à fonctionner c’est de l’aider à se décongestionner :
— Surveillance des « entrées »,
— Décongestion par de l’ostéopathie,
— Complément nutritionnel.
AMVF Nous souffrons tous, en règle générale, de douleurs articulaires plus ou moins importantes dues à la prise d’anti-vitamine K : pensez-vous pouvoir nous soulager ?
Mr Frédéric LUZAU Le foie, quand il est en lésion, entraîne des tendinites (coudes, épaules…) et des douleurs articulaires. Nous appelons cela des expressions localisées d’un phénomène général. La pathologie émonctorielle* (qui touche le foie, le rein, le cœur…) entraîne une modification des échanges sanguins par modification des rapports hormonaux et neurologiques entre toutes les structures du corps (la médecine chinoise, l’acupuncture s’appuient là-dessus).
Après, comme toujours, une structure si elle est en lésion (mécanique) sera plus sensible à « parler ».
Je travaille avec mes mains suivant un interrogatoire des antécédents pathologiques, traumatiques, familiaux et obstétricaux. Alors, il faut bien voir chaque cas comme un cas particulier.
AMVF Enfin, certains d’entre nous aimeraient savoir si les fatigues à répétition, les crampes très douloureuses ainsi que les oedèmes des membres inférieurs pourraient être traités par vos techniques ?
Mr Frédéric LUZAU Les pathologies émonctorielles ont plus de répercussions sur l’état de santé qu’une entorse de cheville. Comme je l’ai dit, précédemment, chaque individu doit reprendre une activité en ayant conscience de l’alternance Travail/Repos. Les fatigues à répétitions dues à la maladie doivent être prises en compte.
Les crampes sont un problème vasculaire par mauvaise élimination des déchets. Il faut donc avoir une activité physique (étirements) boire et prendre un complément nutritionnel par rapport aux déchets.
En ce qui concerne l’œdème si ce dernier est veineux il est conseillé un drainage manuel par un professionnel. Mais cela fonctionne moins bien que pour un œdème lymphatique.
AMVF Nous vous remercions d’avoir bien voulu prendre un peu de votre temps précieux pour nous éclairer sur votre pratique journalière et son lien avec nos pathologies..
* relatif aux émonctoires que sont le foie et les reins
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AMVF Comme tout article qui paraît dans nos bulletins ou sur nos sites Internet, nous demandons à notre Conseil Scientifique présidé par le Pr Dominique VALLA de donner son avis sur toute communication à caractère médical.
Président du Conseil Scientifique Je suis d’accord avec les recommandations qui sont faites.
Si la présentation ne correspond pas dans le détail à notre vision de la maladie les deux points de vue sont cohérents.
L’immense avantage des méthodes dites alternatives est d’apporter une grande attention à la demande des patients. A ces demandes, la médecine fondée sur les preuves (la nôtre) ne sait souvent pas répondre, faute d’études et de données appropriées. C’est pourquoi j’ai un immense respect pour ces approches alternatives, tant qu’elles respectent la nôtre, et en sont complémentaires. C’est ici manifestement le cas.
Pr Dominique Valla
Les conseils d’une psychologue clinicienne
Qui sont ces psychologues cliniciennes ? Comment travaillent-elles ?
Nous avons rencontré Mme Béatrice Monnier, attachée Réseau ville Hôpital REVHEPAT basé au pavillon Abrami de l’hôpital Beaujon qui a accepté de répondre à nos questions et qui nous apporte ses conseils pour mieux vivre nos maladies au quotidien.
AMVF : médecin, personnel soignant, psychologue clinicien : cette trilogie existe au sein d’un hôpital et si le travail des premiers est bien connu il n’en est pas de même pour celui d’une psychologue clinicienne.
Il nous paraît important d’expliquer aux malades des vaisseaux du foie quelle est votre place et votre rôle. Comment fonctionnez-vous ?
B. Monnier : Cela fait maintenant plusieurs années que je suis à ce poste. Ma démarche est d’aller à la rencontre des patients atteints de maladies chroniques du foie : hommes, femmes, de tous âges, de tous milieux sociaux et culturels.
Je rencontre les patients à différents moments de leur parcours, lors de l’annonce, à la mise en place du traitement, lors d’une hospitalisation, ou à la découverte de complications. Le patient peut venir seul ou accompagné par un proche (conjoint, parent, enfant, ami) selon les situations rencontrées et les besoins exprimés.
Je propose aux patients, en plus des entretiens individuels, de participer au programme ETP Maladies chroniques du foie, et de pouvoir ainsi partager avec d’autres patients lors des ateliers collectifs
AMVF : Comment vous positionnez-vous dans le cycle de la maladie ?
B. Monnier : Je désignerais trois moments propices dans le parcours de soins : à l’annonce de la maladie, lors de la mise en place du traitement et en cas d’évolution de la maladie.
A l’annonce de la maladie (la première consultation en milieu hospitalier)
Le premier entretien peut se dérouler avec le médecin ou seule avec le patient. Il semble opportun de rencontrer le patient sur un ou deux entretiens pour faire connaissance, avoir une idée des problématiques : Quand a-t-il appris le diagnostic ? Dans quelles conditions ? A-t-il eu des difficultés avec le vocabulaire afférent à sa pathologie ? Quel impact a eu l’annonce du diagnostic sur le fonctionnement psychique du patient ? Ce qui sous-tend l’élaboration psychologique possible de scénarii angoissants. Quel soutien apporte l’entourage familial et professionnel ? Comment s’inscrit-il dans cette démarche de soins ?
L’objectif est de préparer cette étape, d’apprécier l’adhésion au traitement et de prévenir les troubles éventuels. Ne pas se rencontrer seulement lors des moments difficiles, mais être déjà dans un état de dialogue. C’est quelquefois la première expérience d’un contact avec une psychologue pour certains patients.
Ce temps peut servir, également, à orienter un patient à l’extérieur pour différentes raisons (exemple géographique). Il peut être une médiation possible pour une consultation psychiatrique, si un secours médicamenteux s’avère nécessaire à un moment donné, par exemple, dans le cas d’une dépression réactionnelle ou en présence d’une décompensation psychiatrique, voire de troubles de la personnalité. Cela ne veut pas dire que le suivi psychologique est interrompu mais cela peut être une transition pour préparer la rencontre avec le psychiatre, pour dédramatiser, ou, si nécessaire organiser une prise en charge psychiatrique conjointe au suivi psychologique. Le patient peut être reçu dans un cadre psychothérapique, ce qui signifie des entretiens réguliers, mais également dans un cadre plus ponctuel en fonction de l’envahissement affectif du patient, à un moment donné, qui nécessite une « décharge » que peut contenir la psychologue.
AMVF : Quelle est la finalité de ces entretiens ?
B. Monnier : Ces entretiens ont pour but de diminuer l’anxiété, d’accueillir les crises d’angoisse.
Je présente ces rencontres aux patients comme un « lieu pour se poser, déposer et se reposer. »
Il est essentiel d’aborder et de reprendre avec le patient, le ressenti et les répercussions liés à la maladie chronique. Les patients organisent souvent leurs rendez-vous en associant, successivement, la consultation avec l’hépatologue puis l’entretien psychologique. Ce temps permet de reprendre et d’analyser les informations reçues, les inquiétudes, les doutes ou les encouragements associés aux résultats.
A ce propos, la psychologue peut avoir un rôle d’information sur les effets secondaires, mais renvoie vers le médecin lors de troubles spécifiques.
AMVF : Mais est-ce toujours vous qui faites la première approche ?
B. Monnier : Souvent le patient m’est adressé par le médecin ou l’infirmière coordinatrice. Quelque fois c’est le patient lui- même qui en fait la demande.
AMVF : Revenons dans le cycle de la maladie
PENDANT LE TRAITEMENT
B. Monnier : L’entretien est souvent envahi par les ressentis corporels provoqués par les effets secondaires liés au traitement, ce qui ne permet pas toujours d’accéder aux affects. Pour que le patient supporte le traitement dans les meilleures conditions, le cadre proposé est d’établir un lieu de soutien pour repérer les différents effets secondaires, les nommer, faire la part entre ce qui est dû au traitement, à la maladie et ce qui revient à la personne.
Les principaux effets secondaires psychologiques retrouvés sont :
– Troubles de l’humeur : dépression, labilité émotionnelle, irritabilité, susceptibilité ;
– Asthénie : épuisement physique, décalage entre les potentialités physiques très largement diminuées et !a « cogitation intellectuelle » ;
– Troubles du sommeil (réveils nocturnes, insomnies, cauchemars) ;
– Troubles de la mémoire (difficulté de concentration).
La liste n’est pas exhaustive.
Nous accompagnons le patient là où il en est, en balisant sa trajectoire, c’est à dire en travaillant les différents affects (la honte, la culpabilité…), les différentes représentations (être malade, la guérison, la mort,…).
Le traitement peut être éprouvant et perturber la dynamique de vie du patient, il faut donc être attentif et prendre en compte les répercussions familiales, professionnelles et sociales.
Le psychologue étant un élément neutre, à l’écoute, le patient s’autorisera à parler plus facilement.
LA MALADIE EVOLUE
Il semble important, tout particulièrement à ce moment précis, d’accroître la vigilance vis à vis des patients. Certaines maladies des vaisseaux du foie peuvent évoluer et ne plus se satisfaire des traitements classiques à base d’anticoagulants…. Un TIPS est prévu, une transplantation est envisagée, et là démarre un protocole de préparation générateur de nouvelles souffrances et de questions relatives à l’opération elle-même, au greffon, à l’attente…. Cette période est psychologiquement très lourde. A ce stade un travail d’accompagnement de la personne par la psychologue clinicienne est indispensable. Il faut lui redonner sa place de sujet et non la réduire à être malade des vaisseaux du foie. Lors de crises particulières de la vie, il est utile de les travailler intensément, pour permettre des remaniements psychiques importants.
AMVF : Comment peut-on évaluer les bénéfices de l’action d’une psychologue clinicienne ?
B. Monnier : La psychologie n’est pas une science exacte. La diversité humaine est une réalité. Les bénéfices ne sont pas immédiats, certains les trouvent, d’autres pas. Comme dit Monsieur W. « A quoi ça sert ? », je n’’ai rien à dire ». Mais après quelques entretiens, suite à ma proposition d’espacer les rendez-vous, il refuse, et avance comme argument « parler ici, ça me soulage ».
AMVF : Finalement j’ai l’impression que dans un monde où la cacophonie règne, le psychologue est l’ultime recours à l’écoute. Les explications apportées permettent d’éclairer chacun sur le rôle des psychologues cliniciens et ainsi de nous les rendre plus accessibles.
Il est bon de rappeler que deux psychologues cliniciens sont attachés au secteur hépatologique à l’hôpital Beaujon : Béatrice Monnier (Pavillon Abrami) et Camille N’Ganga- Kouilou( 5è étage Sergent).
L’AMVF remercie Béatrice Monnier d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Témoignages sur la grossesse et nos maladies
Une enquête sur la grossesse chez les patientes atteintes de Budd-Chiari
Le syndrome de Budd-Chiari est une maladie thrombosante qui atteint souvent de jeunes femmes. La question d’une grossesse ultérieure se pose au moment du diagnostic de la maladie ou plus tard lorsque la maladie est stabilisée par les traitements actuels.
Jusqu’alors, la grossesse était souvent contre-indiquée. Une étude récente du Centre de Référence des maladies vasculaires du foie, effectuée par le Dr Rautou, a évalué l’impact de la grossesse au cours du syndrome de Budd-Chiari. Il s’agit d’une étude rétrospective, les dossiers ayant été analysés à postériori dans plusieurs centres.
Seize femmes suivies entre 1985 et 2004 dans 3 centres européens ont eu 24 grossesses. Elles avaient en moyenne 33 ans, leur syndrome de Budd-Chiari était connu depuis 57 mois. Avant la conception, 9 femmes avaient eu un geste de revascularisation radiologique ou chirurgicale. Un traitement anticoagulant a été administré pendant 17 grossesses.
L’évolution de ces grossesses peut se résumer de la façon suivante :
– avant 20 semaines de gestation, 7 sur 24 ont été interrompues,
– l’accouchement a eu lieu entre 21 et 31 semaines chez 2 patientes, entre 32 et 36 chez 11 patientes et après la 37ème semaine chez 4 patientes,
– 1 nouveau-né est décédé malheureusement à la naissance,
– 16 nouveau-nés ont eu une évolution favorable.
L’évolution du syndrome de Budd-Chiari n’a pas été modifiée chez toutes les mamans, toutes vivantes à la fin de cette étude. Seules deux patientes ont développé une thrombose après l’accouchement, résolutive sous traitement adapté. En conclusion, la grossesse est possible au cours du syndrome de Budd-Chiari. Le risque de fausse couche est élevé. Il s’agit malgré tout de grossesses à risque pour lesquelles une surveillance dans des centres spécialisés avec une collaboration forte entre les hépatologues, les obstétriciens et les hématologues est nécessaire. Une prise en charge homogène par tous les centres permettra dans le futur d’améliorer la prise en charge des patientes et des enfants et de mesurer de façon très précise, sans les biais dus au caractère rétrospectif de notre étude, les risques pour la maman et le bébé. Une lettre est adressée à tous les centres de compétence dans ce sens. Ce courrier peut vous être communiqué pour que vous l’adressiez au médecin qui vous prend en charge.
Source de l’information: Dr Aurélie Plessier Centre de référence des maladies vasculaires du foie- Beaujon.
Témoignages de jeunes femmes ayant eu une grossesse malgré la maladie
La Maternité d’ANNE
Nous avons rencontré Anne, 32 ans, maman de deux enfants et chercheur en biologie à Montpellier.
AMVF : Quand la maladie a-t-elle été diagnostiquée ? Quelle est-elle ?
Anne : en 2007, 9 mois après la naissance de mon premier bébé, j’ai développé une ascite qui a mis en évidence un syndrome de Budd-Chiari : mes trois veines sus-hépatiques se sont obstruées et ont « disparu ». Après plusieurs séjours à l’hôpital en Province et à Beaujon, notamment pour une angioplastie, j’ai été placée sous traitement anticoagulant (Previscan). A ce jour, l’origine de la maladie n’a pas été identifiée, mais mon historique familial laisse supposer un problème de coagulation qui pourrait être héréditaire.
AMVF : Quel choc, je suppose ! Quel a été votre ressenti ? Quel a été celui de vos proches ?
Anne : L’annonce de cette maladie et l’hospitalisation m’ont beaucoup choquée, je venais d’avoir trente ans, et je venais tout juste d’arrêter d’allaiter mon fils, j’ai mal vécu d’être séparée de lui. Je me suis sentie vieillir tout d’un coup, et j’avais un fort sentiment d’injustice et d’incompréhension. J’ai bien sûr essayé de comprendre ce qui m’arrivait, notamment en lisant des articles sur internet. Aujourd’hui, je pense qu’il vaut mieux poser les questions aux médecins qui nous suivent plutôt que de chercher les réponses sur internet. Ce qui m’a le plus aidé à cette période, c’est d’une part le support moral et matériel de ma famille, et d’autre part le contact avec l’AMVF et notamment avec une patiente qui a pris le temps de m’appeler pour partager son expérience et répondre à certaines questions.
AMVF : Quelles recommandations médicales avez-vous reçues ? Etait- il toujours question d’une autre maternité ? Quelles ont été les réactions de votre entourage ?
Anne : Les recommandations médicales étaient celles que l’on donne à tous les patients sous anticoagulant, c’est-à-dire d’arrêter les sports et les activités avec risque de chute. J’ai très vite demandé si une seconde grossesse était possible. Les médecins me l’ont fortement déconseillé dans un premier temps, puis après un an sous anticoagulant et alors que mon état semblait assez stable, ils m’ont dit que ce serait peut-être possible un jour. Mes proches étaient contre, mon mari et moi étions indécis, nous avions commencé les démarches pour adopter un enfant. Je savais que certaines patientes de Beaujon étaient enceintes, mais je n’ai jamais réussi à joindre l’une d’elle personnellement pour me renseigner sur un parcours similaire. Un an après le diagnostic du Budd-Chiari, je n’avais toujours aucune autre contraception que le préservatif car aucune pilule ne semblait compatible avec ma maladie. Finalement j’ai découvert que j’étais enceinte un peu « par hasard ». J’étais très affolée au départ, mais les médecins m’ont bien rassurée, et m’ont tout de suite mise sous Lovenox.
AMVF : La grossesse étant là, il a fallu gérer. Cela a t-il été compliqué ?
Anne : Le suivi de cette grossesse a été bien compliqué. J’ai fait plusieurs « allergies » aux héparines, et j’ai dû me faire moi-même, pendant presque 10 mois, des piqûres de Lovenox, puis Fraxodi, puis Innohep, puis à nouveau Lovenox. J’étais suivi de près dans ma ville en Province par un service de gynécologie obstétrique, mais aussi par un service de gastro-entérologie, avec une échographie du foie tous les mois. J’avais l’impression que la multiplication des examens entraînait de nouvelles angoisses sur l’état du bébé et sur le mien. Cette grossesse a été finalement une période de grand stress, j’avais du mal à être optimiste, mais quand je fais le bilan je me rends compte que tout s’est bien passé, grâce au corps médical. De nombreuses questions sont quand même restées sans réponses, et la planification de l’accouchement a beaucoup changé, jusqu’au tout dernier moment. Il était prévu une fenêtre thérapeutique pour un déclenchement vers 38 semaines et demie (mon fils étant arrivé à 39 semaines), avec arrêt de l’héparine pendant 48 h au maximum. Le jour du déclenchement, les médecins ont jugé que la fenêtre était trop risquée, et ils ont décidé d’attendre l’arrivée « naturelle » du bébé, je n’aurai alors pas de fenêtre thérapeutique, et donc pas de possibilité de demander une péridurale. Ce changement de plan de dernière minute m’a déstabilisée, mais heureusement j’avais fait une préparation à l’accouchement en sophrologie, ce qui m’a beaucoup aidé à garder confiance et a été déterminant je crois pour l’accouchement. Deux jours plus tard seulement, le 1er janvier 2009, naissait une petite fille en pleine forme. Un grand soulagement, un immense bonheur, et le sentiment d’une chance fabuleuse qui nous était offerte.
AMVF : Le bébé est là. Que fait-on alors ?
Anne : Je ne me suis pas trop posé de questions sur la santé de ma fille car dès le départ elle avait tout d’un bébé en très bonne santé. Elle n’a pas été suivie plus intensément qu’un autre bébé, je lui donne juste une double dose hebdomadaire de vitamine K car je suis aujourd’hui à nouveau sous anticoagulant (Coumadine, compatible avec l’allaitement) et je l’allaite totalement. Elle a maintenant 5 mois, j’ai repris le travail lorsqu’elle avait 3 mois et demi, et je crois bien que j’ai la chance d’avoir une petite fille en très bonne santé. Bien sûr, je me pose la question de la transmission génétique de ma maladie, pour elle et pour son frère. Je sais qu’ils n’auront pas le syndrome de Budd-Chiari qui est très rare, mais par contre il est probable qu’ils aient des problèmes de coagulation. Je me sens confiante de pouvoir prévenir ces problèmes, en leur expliquant très tôt comment détecter les premiers signes d’une phlébite, et en m’assurant que leur médecin traitant sera au courant des antécédents familiaux.
AMVF : Cela vous a-t-il appris à mieux vous connaître ?
Anne : Cette grossesse et son heureux aboutissement m’ont redonné l’espoir et la confiance qui avaient disparus lorsque je suis tombée malade. Ils ont aussi renforcé mon admiration pour le travail du corps médical dans son ensemble. Je ne pense pas recommencer l’expérience d’une grossesse car le risque de complications est réel, mais je ne regrette pas une seconde d’avoir pris des risques cette fois ci.
AMVF : Pour conclure, bien que votre expérience soit unique, quel message aimeriez-vous faire passer ?
Anne: Nos maladies sont tellement particulières à chaque individu, que je n’oserais pas donner des conseils à d’autres patientes. Mais si les médecins donnent leur feu vert, je voudrais dire aux femmes qui sont dans une situation similaire à celle que j’ai connue, qu’une grossesse peut être compatible avec un Budd-Chiari, et que les nombreuses heures passées dans des rendez-vous médicaux, les nombreuses piqûres, les baisses de forme et de confiance et les angoisses inévitables, sont effacées bien vite face à la joie de tenir dans ses bras un bébé en bonne santé. Voilà, je veux juste leur dire que même si ces grossesses sont considérées comme « à risque », même si elles ne sont pas classiques et donc laissent des questions sans réponse, elles sont possibles. Si des patientes veulent en discuter plus en détail, on pourra rentrer en contact au travers de l’AMVF.
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La Maternité de SANDRINE
Nous avions déjà rencontré Sandrine lors d’une journée mensuelle de rencontres avec les malades à l’hôpital Beaujon. Son histoire, son parcours de vie, son énergie nous avaient presque fait oublier qu’elle était atteinte d’une maladie rare. Sandrine a eu à gérer également une grossesse. Nous avons donc sollicité son témoignage.
Sandrine a 37 ans, elle est maman de deux adorables petites filles, Marion 5 ans et Marie 2 ans. Elle est factrice à 7 km de chez elle. Sa journée débute à 6 heures. A midi elle rejoint son mari qui est restaurateur et elle assure le service. En fin d’après-midi elle reprend ses enfants, assume les charges de la maison, la comptabilité et la gestion du restaurant (il faut planifier les achats du lendemain). Sa journée se termine à minuit passé. Sandrine est atteinte d’un Budd-Chiari. Elle respire la joie, la sérénité, elle ne veut pas être dominée par sa maladie.
AMVF : Sandrine, nous voudrions revenir sur la découverte de votre maladie.
Sandrine : J’ai eu un premier enfant Marion. La grossesse s’était déroulée sans problème. Neuf mois après la naissance j’ai ressenti une douleur diffuse et tenace sur la partie supérieure droite de l’abdomen qui m’a conduite à consulter…. et là le parcours de diagnostic a duré un an avant d’arriver à Beaujon ou la suspicion de Budd-Chiari s’est transformée en confirmation. Un traitement à base de Previscan avec un suivi rigoureux de l’INR a permis de contenir le mal. Le temps passait et nous désirions donner un petit frère ou une petite soeur à Marion.
AMVF : Donc dilemme, maladie contre maternité ?
Sandrine : Il était hors de question de se lancer dans ce projet sans avis médical, quid de la cohabitation du traitement et de la grossesse avec les risques inhérents à un accouchement. La relation avec l’hôpital Beaujon et avec les instances médicales de ma région a été constante. Il fallait attendre la stabilisation de la maladie. Ce moment étant arrivé, la grossesse s’est déroulée sans encombre, avec évidemment un suivi régulier.
AMVF : Le bébé arrive, comment cela s’est il passé ?
Sandrine : La naissance était prévue par césarienne pour réduire les risques hémorragiques et permettre une planification dans l’arrêt du previscan et son relais par du lovenox. La nature ayant force de loi la naissance a du se faire avec un jour d’avance, ce qui a été médicalement contrôlé. Marie était là ! Que de joie ! A cet instant on oublie tout.
AMVF : Comment votre entourage a-t-il vécu cette période ?
Sandrine : Cette maternité était notre choix. Si l’avis médical avait été contre, nous l’aurions suivi. Ma maladie qui est contenue par un traitement n’est pas pour moi un inhibiteur de vie. Nous ne l’occultons pas, mais en parlons peu. D’ailleurs dans notre entourage nombreux sont ceux qui ignorent mon mal.
AMVF : La gestion de votre maladie est-elle due à une parfaite connaissance de vous-même?
Sandrine : Je pense bien me connaître. Dans un coup de fatigue, je sais faire la part des choses entre mon hyperactivité et la maladie. Je sais si mon INR est bon ou pas. J’ai un suivi d’INR mensuel. Si entre temps l’INR dérive je le sens. Mon activité professionnelle m’amène à faire 10 à 12 kilomètres en vélo par jour avec de petites montées et là si l’INR n’est pas bon, je le sais. D’ailleurs au début de mon traitement il m’a fallu du temps pour arriver à maitriser le réglage de l’INR. Je m’étais astreinte à noter le détail de mes prises de previscan ainsi que les éléments de vie qui pouvaient impacter ce réglage.
AMVF : Si vous aviez un message à faire passer sur la maternité pendant la maladie ?
Sandrine : Le plus dur, c’est le temps du diagnostic très long. Une fois celui-ci établi, il y a des traitements qui stabilisent le mal et vont parfois jusqu’à le faire oublier. Avoir un enfant n’est pas une aventure en soi à condition d’être médicalement bien encadrée. Peut être aussi que la connaissance de soi, la soif de vivre font partie du traitement.
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Nous remercions vivement Anne et Sandrine de nous avoir consacré un peu de leur temps pour répondre à nos questions.
Leurs récits sont de grandes sources d’espoirs.
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